Proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à Saint-Barthélemy

Cette deuxième proposition de loi organique* (PPLO) depuis ma première élection au Sénat portait sur plusieurs aspects du statut, contrairement à la précédente qui n’avait modifié que les dispositions relatives à compétence fiscale.

Ce deuxième texte constitue la traduction législative d’un premier bilan d’étape depuis 2007. « Ces dispositions procèdent donc d’une expérience éprouvée […]. »
[Michel Magras, 29 janvier 2015]

COMPETENCES DE LA COM

Sanctions pénales

Depuis 2007, l’adoption des sanctions pénales est marquée par des délais anormalement longs pour la publication des décrets de contrôle de l’Etat. Mais « […], il faut reconnaître que le champ des aménagements possibles est étroit. [Michel Magras, 29 janvier 2015]

Le Sénat a toutefois abouti en premier lieu à un texte « à double étage ».

D’une part, il prévoyait un délai de trois mois pour la publication des décrets par le gouvernement.

D’autre part, il inscrivait expressément dans la loi qu’en cas d’inertie du gouvernement dans ce délai, le Parlement pourrait se saisir directement des sanctions pénales. La loi organique prévoit d’abord un contrôle du gouvernement formalisé par un décret, puis une « ratification » des sanctions retenues dans le cadre du contrôle par le Parlement. Il s’agissait de mettre fin aux interprétations au gré des gouvernements de la possibilité pour le Parlement d’examiner les sanctions pénales sans attendre le décret. 

A la suite du Sénat, l’Assemblée nationale a introduit trois modifications avec une réécriture de l’article. « Premièrement, il instaure une procédure en référé devant le Conseil d’État, à l’issue du délai dont dispose le Gouvernement, afin de faire enjoindre à celui-ci de prendre le décret manquant ; deuxièmement, il porte ce délai de deux à trois mois ; troisièmement, il supprime la mention de l’instruction du décret par le ministre de la Justice, la procédure étant valable pour toutes les compétences à l’exercice desquelles la collectivité participe. » [Rapport Assemblée nationale, n°2836]

Mais c’est là un autre des intérêts du débat parlementaire. Les « amendement d’appel » éclairent, par la discussion, des dispositions ayant pu donner lieu à divergences d’interprétation. En l’espèce, les débats ont été complétés par une décision du Conseil constitutionnel systématiquement saisi s’agissant d’un texte organique.

Dans sa décision n° 2015-721 DC du 12 novembre 2015, il a jugé « qu’en prévoyant que le Premier ministre est tenu de prendre dans un délai préfix un décret […], l’article 5 imposait, de façon générale, au pouvoir réglementaire d’exercer sa compétence, dans un délai excessivement bref et non modulable. Le Conseil constitutionnel a censuré, sur le principe, un tel mécanisme […] », clôturant ainsi toute polémique.

« À titre liminaire, je souhaite saluer l’implication de tous les groupes politiques, car elle a permis un réel débat sur ce texte en première lecture, notamment sur ses dispositions les plus « sensibles ». Je pense, en particulier, aux mesures relatives à la protection sociale, à la procédure d’adoption des sanctions pénales ou encore à l’entrée et au séjour des étrangers. Nul doute que nos échanges ici, au Sénat, ont été pris en compte par l’Assemblée nationale et intégrés dans ses travaux. » [Michel Magras, 29 janvier 2015]

Le débat est clos

L’adoption des sanctions a parfois fait couler de l’encre. Pour ma part, j’avais considéré que bien qu’imparfaite, la procédure en vigueur me semblait la plus compatible avec la Constitution. « S’agissant de la procédure elle-même, par honnêteté intellectuelle il faut reconnaître que l’article 74 de la Constitution laisse peu de marge de modification. » [Michel Magras, Journal de SBH, octobre 2013]

Nonobstant, le précédent de l’adoption des sanctions pénales du code de l’urbanisme à la faveur du projet de loi Mayotte me faisait dire que l’on pouvait préciser dans la loi statutaire la possibilité pour le Parlement de s’affranchir du décret d’approbation afin de résoudre la problématique des délais.

Avec l’examen de la proposition de loi organique relative à Saint-Barthélemy, le Sénat et l’Assemblée nationale ont bien tenté de trouver une voie d’amélioration de la procédure. Mais, rappelant la lettre de la Constitution, hors de laquelle aucune mise en pratique du partage des compétences de l’Etat ne peut se faire, l’article adopté a été censuré par le Conseil Constitutionnel. Avec cette décision, il confirme ainsi que la procédure d’adoption des sanctions pénales est bien conforme à la Constitution. 

Il me semblait opportun de le mettre en exergue.

Sanctions administratives (adopté)

Cet article inscrit explicitement la possibilité pour la collectivité de prévoir des sanctions administratives en plus des « amendes, majorations, intérêts ou indemnités de retard appliquées par l’administration » en cas d’infraction aux règles qu’elle fixe. Au rang des sanctions administratives, on retrouve par exemple des mesures telles que la fermeture d’un lieu ou du retrait d’une autorisation délivrée la collectivité. 

Il s’agissait de confirmer cette faculté implicite.

Participation aux compétences de l’Etat : les limites sont éclaircies

Les travaux des deux assemblées puis la décision du Conseil Constitutionnel ont indiscutablement clarifié la portée de cette faculté, parfois sujette à polémique.

Droit de préemption (adopté)

Jusqu’en 2015, la collectivité ne pouvait exercer son droit de préemption lorsque la vente était opérée au profit d’une personne résidente de Saint-Barthélemy. « Le droit de préemption est donc un outil de régulation que nous souhaitons ajuster afin d’en faire un outil supplémentaire de la politique de préservation des espaces naturels. » [Michel Magras, 29 janvier 2015]

Désormais, lorsque le droit de préemption est motivé par l’objectif de préservation de la cohésion sociale ou de l’exercice effectif du droit au logement des habitants de Saint-Barthélemy, la condition de résidence cesse de s’appliquer.

L’obligation pour la collectivité de motiver sa délibération garantit la transparence des intentions de la collectivité en matière de préemption. « La loi s’applique à une réalité, celle d’une petite île, et l’on ne peut garantir que ce droit ne devienne, par exemple, une arme de blocage de projets entre particuliers. » [Michel Magras, 29 janvier 2015]

Recherche et constatation des infractions

Toute infraction suppose qu’elle soit recherchée et constatée pour être sanctionnée. Lorsque la collectivité fixe une règle, elle peut prévoir parallèlement des sanctions pénales, participant de ce fait à la compétence pénale de l’Etat. Mais elle ne peut déterminer quels sont les agents habilités à rechercher et constater les infractions.

« La participation à ce domaine de compétence est une forme sinon de continuité, du moins de cohérence avec la possibilité [pour la collectivité] de fixer elle-même des sanctions pénales. Elle vise aussi à garantir l’effectivité des règles fixées par la collectivité. » [Michel Magras, 29 janvier 2015]

Nonobstant, le Sénat n’a pas jugé opportun d’adopter cette proposition d’autant plus que le débat s’est tenu alors que le gouvernement disposait d’une habilitation à légiférer par ordonnance en cours de validité pour étendre et adapter la recherche et la constatation des infractions dans le domaine de l’environnement.

Entrée et séjour des étrangers

Etendre la participation de la collectivité aux compétences de l’Etat en matière d’entrée et de séjour « […] est aussi justifiée par la compétence de la collectivité en matière d’accès au travail des étrangers, qui pourrait proposer à l’État des dispositions de coordination afin de rendre effective la compétence en matière d’accès au travail des étrangers et mieux prévenir son contournement. » [Michel Magras, 29 janvier 2015] En effet, bien que la collectivité soit consultée par l’Etat sur les textes relevant de l’entrée et du séjour des étrangers, ses avis sont dans les faits insuffisamment pris en compte. Le gouvernement et le rapporteur de la commission des Lois ont fait valoir qu’une telle disposition pourrait au contraire être source de complexité dès lors qu’elle contraindrait à opérer une distinction dans la mise en œuvre de cette procédure « selon que les personnes sont issues ou non de l’Union européenne ». [Rapport de la commission de Lois, n°233]

Le Sénat a donc rejeté cette disposition.

Les nouvelles compétences

Carte et titre de navigation des navires de plaisance à usage personnel non soumis à francisation (adopté)

En pratique, la compétence « immatriculation des navires » s’est avérée « incomplète » au regard de l’objectif de simplification administrative et inopérante. « Concrètement, pour un navire de plus de sept mètres, un plaisancier voulant s’immatriculer à Saint-Barthélemy a trois interlocuteurs administratifs : les douanes pour la francisation, la collectivité pour l’immatriculation et la direction de la mer de Guadeloupe pour le titre de navigation. » [Michel Magras, 29 janvier 2015]

Si la francisation – acte de nationalité d’un navire – ne peut être déléguée parce qu’elle est une compétence régalienne, au moins fallait-il permettre aux plaisanciers de navires de moins de sept mètres – donc non soumis à francisation – d’effectuer l’ensemble de leurs formalités à Saint-Barthélemy.

« La collectivité s’est penchée sur la question et a tiré le bilan de cette situation. Elle a ainsi réfléchi aux aménagements qu’il lui semblait important d’adopter afin de rendre plus efficace sa gouvernance et, par la voix de son dynamique sénateur, proposé des dispositions pertinentes au service de l’intérêt des habitants de l’île. »
[Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des Lois, 29 janvier 2015]

Réglementation économique des véhicules terrestres à moteur (adopté)

La circulation des véhicules sur l’île est une question qui recoupe plusieurs enjeux aux côtés de la problématique environnementale. Il s’agit de trouver une articulation harmonieuse entre la préservation de l’espace naturel et de la qualité de l’air, les conditions de circulation, la satisfaction des besoins en déplacement de la population et des touristes et la préservation de l’activité économique.

Le texte initial prévoyait le transfert d’une compétence large, voire exorbitante, incluant « importation, exportation, vente et location de véhicules terrestres à moteur ».

J’ai donc proposé une réduction du champ, en le limitant à la « location de véhicules terrestres à moteur ». Avec cette compétence, la collectivité est en mesure de réglementer cette activité commerciale afin d’en réguler le développement. Concrètement, un nombre de véhicules peut, par exemple, être fixé par loueur.

Toute offre tendant à créer sa demande, il convient de fixer une limite. Tel est l’objectif de cet article.  « […] sur une petite île, l’enjeu n’est pas de créer du développement, mais de le maîtriser, car l’encourager peut conduire rapidement à l’asphyxie. » [Michel Magras, 29 janvier 2015]

SIMPLIFIER LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DE LA COM

Après huit années de pratique, quelques procédures méritaient d’être simplifiées pour mieux correspondre à la taille de notre collectivité et supprimer des lourdeurs inutiles. Ces dispositions ont été adoptées sans difficultés par le Sénat qui les a jugées pertinentes, à l’exception d’un article. En voici les principales.

Quorum et majorité du conseil exécutif (adopté)

L’article fixe trois règles.
Premièrement, le conseil exécutif ne peut délibérer qu’en présence de la majorité « des membres le composant », soit quatre membres. C’est la règle de quorum. Dans le cas contraire, il se réunit de plein droit trois jours plus tard.
Deuxièmement, un membre du conseil exécutif ne peut recevoir qu’une délégation de vote.
Enfin, Les décisions du conseil exécutif sont prises à la majorité des voix « des membres le composant », avec voix prépondérante du président.

Délégation d’une fonction du président à un membre du conseil territorial (adopté)

Lorsque tous les vice-présidents et les membres du conseil exécutif sont titulaires d’une délégation d’une partie des fonctions du président, un membre du conseil territorial peut se voir attribuer une délégation.

Le CESCE destinataire des envois aux conseillers territoriaux (adopté)

Par mesure de simplification, les rapports accompagnant l’ordre du jour du conseil territorial adressé à ses membres sont systématiquement transmis au CESCE ce qui équivaut à le consulter.

Représenter la collectivité devant la justice (adopté)

Alors qu’une délibération devait habiliter le président pour représenter la collectivité pour chaque action, il est apparu de bon sens de l’habiliter pour toute la durée du mandat.

« Avant de conclure, permettez-moi de relever que la présente proposition de loi organique peut être regardée comme une preuve de ce que les statuts des collectivités d’outre-mer sont évolutifs.

Ils incarnent, en outre, l’idée qui m’est chère de différenciation territoriale adaptée aux besoins locaux et compatible avec l’unité de la République. »

[Michel Magras, 22 octobre 2015]

ARTICLES

Le Conseil constitutionnel a censuré deux articles, sans vider le texte de sa substance

Tribune de Michel Magras
J
ournal de Saint-Barth

19/11/2015

TEXTES DE LOI

loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy

Loi n° 2015-1485
du 17 /11/2015

Journal officiel n°0267
du 18/11/2015

Code générale des collectivités territoriales

Sixième partie
Collectivités d’outre-mer
régies par l’article 74
de la Constitution

Livre II
Saint-Barthélemy 

EXAMENS DU TEXTE

texte définitif loi organique de Michel Magras relative à Saint-Barthélemy

Texte définif  n°20 adopté au Sénat en 2ème lecture du 22/10/2015

Adoption en commission de la Pplo de Michel Magras relative à Saint-barthélemy

Examen du rapport du texte
de la commission

14/10/2015

Examen en séance de la Pplo de Michel Magras relative à Saint-Barthélemy

Adoption en première lecture de la proposition de loi organique de Michel Magras N°473, dans le texte
de la commission modifié.
Séance du 29/01/2015

DOSSIER LÉGISLATIF