Michel Magras

Sénateur de Saint-Barthélemy
Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

Madame la préfète,

 

Monsieur le président,

 

Mesdames, Messieurs, et chers amis,

 

C’est évidemment un plaisir de partager avec vous les traditionnelles festivités de la Saint-Barthélemy et il est intact cette année encore.

 

Mais cette fois, c’est avec en plus une réelle émotion – je dois bien l’avouer – que je prends la parole sans doute pour la dernière fois à cette occasion puisque, comme vous le savez, j’ai décidé de ne pas être candidat à ma succession aux prochaines élections sénatoriales.

 

Je tournerai donc une page, qui m’amènera à prendre ma deuxième retraite, celle de la vie politique.

 

Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas doué pour les au revoir, donc par avance, je vous remercie d’accueillir avec indulgence les quelques mots qui vont suivre.

 

Lorsque je suis arrivé au Sénat en 2008, ma priorité a été de faire tomber les uns après les autres les clichés qui entouraient l’île de Saint-Barthélemy.

Ils étaient d’ailleurs d’autant plus tenaces que l’on était au tout début de la crise financière, période marquée par une véritable chasse aux paradis fiscaux auxquels Saint-Barthélemy était à tort mais systématiquement assimilée.

 

Au moment où je m’apprête à quitter le Sénat, je crois qu’avoir réussi à adoucir y compris les propos du groupe communiste à notre endroit – sans obtenir toutefois qu’ils votent ! – est une des meilleures preuves de la mission accomplie ! Le président se souvient certainement des propos du député Jean-Pierre Brard !

 

Très sérieusement, je ne pouvais pas laisser perdurer des idées fausses, biaisant le jugement des parlementaires appelés à se prononcer pour prendre des décisions nous concernant et je crois pouvoir dire que, globalement, nous sommes désormais compris au sein de la Haute assemblée.

 

J’ai aussi considéré que si j’étais sénateur de Saint-Barth d’abord, j’étais avant tout un sénateur de la République, et c’est cet état d’esprit qui m’a conduit à toujours veiller à la place faite à Saint-Barthélemy dans la loi, mais aussi à travailler sur tous les textes sans distinction – y compris le Grand Paris ! – et enfin à présider la Délégation sénatoriale aux outre-mer ces six dernières années.

 

En réalité, mon bilan est donc double même mais je vous rassure mon objectif n’est pas de dresser ce bilan devant vous aujourd’hui.

 

Au fond, c’est à vous et non à moi qu’il appartient de l’établir et d’en juger et je veux juste vous dire en toute simplicité que je me suis efforcé, chaque jour, de représenter Saint-Barthélemy avec une détermination sans faille, humilité et dignité.

 

Monsieur le président, mesdames, messieurs les conseillers territoriaux, votre confiance m’a honoré et obligé.

 

Je souhaite en particulier vous remercier, monsieur le président, pour le travail en collaboration étroite et dans la même direction que nous avons pu mener durant ces années me permettant d’être le relais, efficace je l’espère, des projets de la collectivité à Paris.

Du reste, je pense qu’il ne peut en aller autrement que travailler main dans la main avec la collectivité lorsqu’on est sénateur de Saint-Barthélemy.

 

Mes remerciements vont également à vous, mesdames, messieurs membres du conseil territorial, animés du même esprit, tous ayant contribué à faire de ce mandat sénatorial un travail collectif à bien des égards.

 

Enfin, la réussite de mes deux mandats de sénateur, je la dois aussi à mes deux collaboratrices, Murielle et Agnès. Mais je voudrais surtout insister sur la place et le rôle de Murielle qui a consacré douze années de sa vie à la réussite de mes mandats mais aussi et surtout à l’île de Saint-Barthélemy. Je voudrais ici lui témoigner de toute ma gratitude.

 

Faire de Saint-Barthélemy une collectivité autonome visait à mieux présider à la destinée de notre île et de la maîtrise de son développement, afin également de faciliter la vie de la population.

 

A Paris, comme à Saint-Barthélemy, j’ai travaillé afin d’améliorer votre quotidien ou contribuer à donner les moyens d’agir réclamés par la collectivité pour la bonne conduite des projets locaux.

 

Je pense bien sûr à la Caisse de Prévoyance Sociale (CPS), car c’était un projet qui nous tenait à cœur, justement pour améliorer en la simplifiant la vie des habitants de l’île. Cela a été un de ces moments où l’on se réjouit, en tant que parlementaire, de voir la loi se concrétiser dans la vie de tous les jours.

 

Il en a été de même, avec les compétences dévolues à la CEM (Chambre Économique Multi professionnelle) qui a permis de rapprocher autant que possible les formalités administratives des entreprises.

 

Dans un autre cadre que notre statut, cela n’aurait probablement pas été possible.

Mais je dois aussi confesser un regret qui est doublé d’une grande frustration, celui de ne plus être sénateur lorsque viendra la ratification de la convention fiscale devant le Parlement.

 

En dépit de tout le travail conduit, il ne m’a de fait pas été possible de vaincre les réticences politiques, bien sûr, mais aussi celles de la haute administration pour les aspects techniques – car c’est une question d’une grande technicité.

Malgré cela, je suis heureux et fier d’avoir pris part à « l’acte I législatif » de notre statut depuis son entrée en vigueur, faisant de Saint-Barthélemy une collectivité d’outre-mer et je pense que l’essentiel de ce qui relevait de la loi a été fait pour amener le statut à sa phase de croisière ou de maturité, j’ose espérer que le président en conviendra avec moi.

Je pense à cet instant notamment aux deux propositions de loi organiques et lois ordinaires que j’ai pu déposer et faire voter en 2010 et 2015.

 

Mon élection à la tête de la délégation aux outre-mer a été un autre temps fort de ma vie politique, ce qui a par ailleurs pu susciter localement des interrogations, voire des craintes de me voir délaisser les besoins de l’île.

Comme je m’y étais engagé, Saint-Barthélemy n’en a jamais pâti et peut-être même au contraire.

C’est là l’autre volet de mon bilan que je laisse également à mes collègues et aux outre-mer en général, le soin d’évaluer.

 

Ma satisfaction est d’avoir vu de nombreuses propositions de la délégation mises en œuvre,

Je pense à toutes les propositions reprises dans la loi par mes collègues sénateurs et députés, mais aussi par les gouvernements, par les collectivités ultramarines elles-mêmes et les grandes organisations professionnelles nationales…

C’est là le résultat d’un travail collectif, en particulier celui des rapporteurs de la délégation.

Sachez que c’est dans la force de notre modèle et de notre projet que j’ai puisé l’essentiel de mon approche des outre-mer et de la direction à donner aux travaux de la délégation et c’est une fierté que je souhaite partager avec vous.

 

Saint-Barthélemy a toujours su s’inscrire dans une dynamique de long terme et c’est ce qui l’a conduite à pouvoir prendre les commandes de son avenir en 2007.

C’est donc dans ce même esprit que j’ai impulsé les travaux menés par la délégation en ma qualité de président en les inscrivant toujours dans le long terme et la perspective du développement endogène.

L’érection de Saint-Barthélemy en collectivité d’outre-mer a clairement permis de mettre les institutions au service du développement et j’en mesure davantage la portée, s’il en était besoin, au moment où j’achève un rapport sur la différenciation territoriale au nom de la délégation.

J’en dirai ici un mot car je sais que c’est un sujet que le président suit avec intérêt et attention.

 

Le président du Sénat, Gérard Larcher, a en effet voulu que le Sénat formule des propositions pour une nouvelle génération de la décentralisation.

La gestion de l’épidémie de covid-19 ayant montré le rôle fondamental des collectivités, et montré aussi que l’échelon de proximité était finalement le plus pertinent pour réagir vite et de manière adaptée en cas de crise, le président Larcher a réuni autour de lui un groupe de travail sur décentralisation dont  il m’a confié le volet outre-mer me chargeant de formuler des propositions notamment dans l’optique d’une révision constitutionnelle.

Ma conclusion – et conviction – est :

Que toute révision du cadre constitutionnel pour les outre-mer doit conduire à leur offrir un statut qui les renforce et permette la traduction de chacune des volontés locales en matière institutionnelle et statutaire, sans jamais fragiliser les statuts déjà en vigueur.

 

Je pense bien évidemment à celui de Saint-Barthélemy.

J’ai notamment proposé à cet effet le renforcement de la place de la démocratie locale pour que les statuts et leurs évolutions émanent de la volonté des populations et que l’État soit moins en position de se prononcer en opportunité sur ces choix.

 

Je crois qu’un État davantage accompagnateur est possible et souhaitable.

Madame la préfète, ne voyez pas dans mes propos une défiance vis-à-vis de l’État mais plutôt la formulation des principes d’une nouvelle relation entre l’État et ses outre-mer que j’appelle de mes vœux depuis de nombreuses années dans une logique de subsidiarité et de responsabilités, qui trouve d’ailleurs écho dans les collectivités hexagonales avec force aujourd’hui.

 

Je suis en outre convaincu qu’un statut comme le nôtre doit pouvoir évoluer vers plus de compétences avec la force du consentement de la population conciliée à la volonté politique de ses représentants.

C’est une conséquence que je tire d’ailleurs du projet de caisse autonome de sécurité sociale. La disposition que le Sénat avait adoptée dans le cadre de la proposition de loi organique que j’ai présentée en 2015, aurait à mon sens permis la mise en œuvre du projet équilibré que nous avions alors proposé, sur laquelle est à tort revenue l’Assemblée nationale, avant qu’elle ne soit censurée par le Conseil Constitutionnel.

L’histoire de la CPS montre que notre projet était pourtant viable et j’espère qu’un nouveau cadre permettra à la population de se prononcer.

 

Voilà, le temps est venu de tourner la page et de laisser faire d’autres que moi.

Je me suis engagé politiquement pour mon île, animé de la farouche volonté de la conduire sur la voie de son épanouissement et de son autonomie en 1995 au côté du président Bruno Magras qui était alors maire.

En quittant le Sénat c’est donc en réalité une période de 25 années d’implication dans l’action collective et politique que je referme.

 

Comme dans la vie, j’ai eu des bons moments, le résultat de la consultation de décembre 2003 par lequel vous avez approuvé la transformation de Saint-Barthélemy en collectivité d’outre-mer est un de ceux que je n’oublierai jamais. Sans doute est-il même tout en haut de la liste.

 

Nous avons aussi partagé des moments moins heureux, le passage de l’ouragan Irma étant le dernier mais il nous a aussi montré combien nous savions être résilients ensemble.

Je souhaite du fond du cœur que cette saison cyclonique épargne Saint-Barthélemy et l’ensemble de la Caraïbe.

 

Enfin, j’ai reçu de nombreux témoignages de soutien tout au long de mes mandats au Sénat, et d’amitié après avoir annoncé que je me retirerai de la vie publique. Ils sont venus de vous, de Saint-Barth mais également de mes collègues sénateurs, et quasiment de toutes les collectivités d’outre-mer. Tous ces témoignages m’ont profondément touché.

 

Alors à tous, pour conclure, je veux dire que cela a été un immense honneur de vous représenter et je vous en remercie infiniment.

J’ai aussi considéré que si j’étais sénateur de Saint-Barth d’abord, j’étais avant tout un sénateur de la République, et
c’est cet état d’esprit qui m’a conduit à toujours veiller
à la place faite
à Saint-Barthélemy
dans la loi, mais aussi
à travailler sur tous les textes sans distinction – y compris
le Grand Paris ! –
et enfin à présider la Délégation sénatoriale aux outre-mer ces six dernières années.