INTERVIEW DE MICHEL MAGRAS

Propos recueillis par Marie-Christine Ponamalé. outremer 360

2020 en Outre-mer : «La différenciation territoriale ne sera possible que si tous les élus sont convaincus de la nécessité de modifier le paradigme qui préside aux relations État/collectivités d’outre-mer» Michel Magras, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer

Après Jacques Lallié, président de l’Assemblée des îles LoyautéSonia Backès, présidente de la province Sud en Nouvelle-CalédonieEric Leung président de la CPME Réunion et Jean-Pierre Philibert, président de la Fedom, et Olivier Serva le Président de la Délégation Outre-mer de de l’Assemblée nationale , nous poursuivons notre série avec Michel Magras, président de la délégation sénatoriale aux Outre-mer. Le Sénateur de Saint-Barthélémy s’est exprimé sur les dossiers marquants de l’année 2019 et les prochains enjeux de cette nouvelle année.

Outremers 360: Quel bilan dressez-vous de l’année 2019 ?

Michel Magras: Au titre des mesures économiques, l’année 2019 a été pour l’ensemble des outre-mer une année charnière avec la mise en œuvre des dispositions adoptées en loi de finance telles que le recentrage des exonérations de cotisations patronales ou encore la diminution de l’abattement de l’impôt sur le revenu. Après un an d’Assises des outre-mer, il était prévisible et légitime que le Gouvernement établisse un cadre fiscal conforme à la direction donnée par le Président de la République.

La Délégation sénatoriale aux outre-mer que j’ai l’honneur de présider a pour sa part achevé son étude sur les risques naturels majeurs avec le volet consacré à la résilience des territoires, après un premier rapport dédié à la gestion et la prévention de crise. Ce travail est l’aboutissement de soixante-dix heures d’auditions couvrant les trois océans, un déplacement et l’investissement exigeant du rapporteur coordonnateur, M. Guillaume Arnell et des rapporteurs, MM. Jean-François Rapin et Abadallah Hassani. C’est donc le fruit d’un travail approfondi et inscrit dans la durée qui, nous le souhaitons, rencontrera le même écho que le précédent.

Le rapport sur la visibilité des outre-mer dans l’audiovisuel public, présenté par les rapporteurs Mme Jocelyne Guidez et M. Maurice Antiste a été l’autre temps fort de l’année. Derrière l’annonce de la suppression de la chaîne de télévision France Ô, la délégation a identifié la problématique globale de la visibilité des outre-mer dans un contexte où de nombreux défis se posent aux médias publics vecteurs de la présence ultramarine dans le paysage audiovisuel et s’en est saisie. Un travail d’analyse méticuleux a ainsi permis d’aboutir à une vingtaine de préconisations solidaires les unes des autres dont une douzaine ont directement inspiré le pacte de visibilité des outre-mer présenté par le groupe France Télévisions, preuve s’il en fallait de l’état d’esprit constructif qui a présidé à notre démarche.

«La différenciation territoriale pour les outre- mer est un thème qui m’est cher»

Au Sénat, toujours, le Président, M. Gérard Larcher, s’est engagé à pérenniser sous l’égide de la délégation aux outre-mer, une matinée d’échange avec les élus ultramarins à l’occasion du Congrès des maires mais aussi la tenue d’un débat annuel sur un sujet commun à l’ensemble des outre-mer. Ce sont deux avancées substantielles au sein de la Haute assemblée qui, par surcroît, confortent la mission d’information du Sénat sur toute question relative aux outre- mer dévolue statutairement à la délégation.

Mes collègues parlementaires et élus le savent, la différenciation territoriale pour les outre- mer est un thème qui m’est cher. Je relève donc comme un fait marquant et je m’en réjouis, la position clairement exprimée par la ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin, qui s’est dite favorable, dans l’optique de la révision constitutionnelle, à une fusion des articles 73 et 74 de la Constitution. Le Président Gérard Larcher m’avait donné l’occasion d’esquisser cette orientation dans un ouvrage collectif paru sous sa direction en 2012 et je reste persuadé que cette révolution rédactionnelle ne sera possible que si tous les élus sont convaincus de la nécessité de modifier le paradigme qui préside aux relations État/collectivités d’outre-mer –au sens générique. Chaque contribution en ce sens mérite selon moi d’être saluée. Il s’agit d’un sujet de fond qui touche à la problématique vitale du développement des outre-mer.

La reconnaissance de la responsabilité de l’État dans la contamination des sols de la, Guadeloupe et de la Martinique par le chlordécone avec lucidité et courage doit être là aussi soulignée. C’était un acte attendu par les populations nécessaire préalable à la mise en œuvre de dispositifs concrétisant une véritable prise en compte du préjudice.

«Si la réforme constitutionnelle devait être examinée cette année, elle constituerait un moment charnière pour les départements et collectivités d’outre-mer» 

Quels sont les sujets ou dossiers à venir en 2020 ?

Pour 2020, la Délégation sénatoriale aux outre-mer a choisi deux principaux axes de travail.

Un rapport portera sur le rôle des institutions financières publiques en appui aux collectivités ultramarines pour leur développement. Les travaux seront conduits par un trio de rapporteurs composé des sénatrices Mmes Viviane Artigalas et Nassimah Dindar et du sénateur M.Stéphane Artano.

Les enjeux européens, qui seront pluriels en 2020, donneront lieu à un autre rapport conduit parallèlement. Il portera sur les enjeux de la négociation du cadre financier pluriannuel pour 2021-2017 et sera également l’occasion de faire un point sur les règles de taxation du rhum et l’octroi de mer qui arriveront à terme à la fin de cette année. La sénatrice Mme Vivette Lopez et les sénateurs MM. Gilbert Roger et Dominique Théophile auront la charge de ces travaux.

Par ailleurs, si la réforme constitutionnelle devait être examinée cette année, elle constituerait un moment charnière pour les départements et collectivités d’outre-mer régis par l’article 73 de la Constitution en particulier et pour l’outre-mer en général.

Selon le calendrier, il est possible que j’aie à la suivre de loin car j’ai d’ores et déjà annoncé que je ne serai pas candidat à ma succession au prochain renouvellement sénatorial…

Propos recueillis par Marie-Christine Ponamalé / Outremer 360