QUESTION AU GOUVERNEMENT N°852

J’ai interrogé le ministère de l’Action et des Comptes publics sur les conséquences de la lecture très stricte du respect de l’obligation de dépôt des comptes faite par l’administration dans le cadre des dossiers de défiscalisation outre-mer.
De fait, en l’absence de délimitation dans le temps de la régularité au regard du dépôt des comptes prise en compte, l’exploitant peut être privé définitivement d’aide fiscale pour ses investissements quel que soit le motif du retard de dépôt et leur antériorité par rapport à la demande d’aide fiscale.
Sont ainsi sanctionnés indifféremment un entrepreneur ayant dépassé le délai d’un jour et un exploitant victime du retard de son expert-comptable comme un entrepreneur négligent.
Cette lecture très sévère s’inscrit pourtant à rebours du droit à l’erreur et seuls les investissements outre-mer sont conditionnés au respect de cette obligation.

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, auteur de la question n° 852, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

 

M. Michel Magras. Madame la secrétaire d’État, le code général des impôts subordonne l’octroi de l’avantage fiscal pour investissement productif outre-mer au respect de l’obligation de dépôt des comptes dans le délai de trente jours prévu aux articles L. 232–21 à L. 232–23 du code de commerce.

 

Toutefois, l’administration applique une interprétation particulièrement restrictive de cette règle, ce qui conduit à une multiplication des redressements fiscaux, de manière doublement pénalisante.

Un seul manquement prive ainsi définitivement l’exploitant du bénéfice de l’aide fiscale et, donc, d’une source de financement de ses investissements ; quant à l’investisseur, qui n’a pas la possibilité de vérifier que l’exploitant a bien satisfait à ses obligations, il se voit contraint de rembourser la déduction fiscale.

On sait en outre que le fonctionnement des greffes des tribunaux et le nombre limité d’experts-comptables dans les départements d’outre-mer peuvent expliquer que le délai de trente jours ne soit pas toujours respecté par les exploitants.

 

Bien sûr, il ne s’agit pas de remettre en cause l’obligation de dépôt des comptes dans les délais, ou encore la conditionnalité de l’aide fiscale.

 

Il n’en reste pas moins que, en l’absence de délimitation dans le temps de la régularité au regard du dépôt des comptes prise en compte pour l’octroi de l’aide, la sanction risque d’être appliquée ad vitam aeternam, ou au cas par cas.

 

Seront ainsi sanctionnés indifféremment un entrepreneur ayant dépassé le délai d’un jour et un exploitant victime du retard de son expert-comptable comme un entrepreneur négligent.

L’absence de possibilité de régularisation s’inscrit surtout à rebours du droit à l’erreur, qui vient d’être inscrit dans notre législation. Surtout, la privation définitive d’aide fiscale ne s’applique qu’aux investissements outre-mer.

 

Le Gouvernement envisage-t-il de remédier à cette situation ? Une lecture bienveillante de cette règle n’est-elle pas concevable ?

 

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

 

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.Monsieur le sénateur Michel Magras, comme vous l’indiquez, les articles 199 undecies B, 217 undecies et 244 quater W du code général des impôts prévoient que le bénéfice de l’avantage fiscal pour investissement productif outre-mer est subordonné au respect par les sociétés commerciales réalisant l’investissement et par les entreprises exploitantes, à la date de réalisation de l’investissement ou de la souscription, de leurs obligations fiscales et sociales et de l’obligation de dépôt de leurs comptes annuels au greffe du tribunal dans le mois suivant leur approbation par l’assemblée ordinaire des associés ou l’assemblée générale des actionnaires.

 

La publicité des comptes de l’entreprise, qui constitue une obligation prévue par le code de commerce pour toutes les entreprises, permet aux investisseurs de s’assurer que l’exploitant est en mesure d’exploiter le bien et de respecter l’ensemble des obligations administratives auxquelles il est tenu. Il convient notamment de rappeler que l’investissement doit être exploité pendant une période de cinq ans.

 

Il n’est donc pas envisagé de modifier une telle condition, garante de la sécurité juridique des investisseurs et des exploitants.

 

Concernant plus particulièrement les difficultés pratiques de dépôt des bilans annuels auprès des greffes des tribunaux de commerce, il est rappelé que les sociétés ont la possibilité de déposer leurs comptes par voie électronique, dans un délai de deux mois suivant leur approbation.

Dans les cas où des dysfonctionnements avérés du greffe du tribunal de commerce seraient constatés et sous réserve que le contribuable de bonne foi justifie de l’accomplissement de la formalité de dépôt dans les délais requis, l’avantage fiscal ne sera pas remis en cause.

 

La direction générale des finances publiques se chargera de mettre en œuvre cette solution et d’en assurer la publicité adéquate.

 

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour la réplique.

 

M. Michel Magras. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse. Je veux juste évoquer la réalité outre-mer. Il est hors de question, pour nous, de chercher à ne pas appliquer le droit dans nos territoires, mais il est nécessaire que la loi s’y applique de manière différenciée, pour des raisons qui sont bien connues.

 

J’ai déjà déposé, à deux reprises, un amendement de précision à cette fin sur des projets de loi de finances ; s’il le faut, je le ferai de nouveau cette année.

 

Il y a deux ans, déjà, M. Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, avait déclaré que l’objet de mon amendement était en réalité une simple question d’interprétation des textes fiscaux ; il s’était engagé à améliorer la doctrine administrative. Vous venez de faire la même chose. J’espère simplement que le Gouvernement tiendra sa parole.