Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras.

 

M. Michel Magras. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la logique de rationalisation qui préside au projet de création de l’Office français de la biodiversité ne doit pas conduire à sacrifier l’attention particulière que méritent les outre-mer en cette matière, et que l’organisation de l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, a reflétée jusqu’ici de manière remarquable.

 

Le législateur de 2016, sans doute soucieux de sanctuariser cette place, avait inscrit dans la loi la création d’un « comité d’orientation réunissant des représentants des différentes parties concernées par la biodiversité ultramarine et de tous les départements et collectivités d’outre-mer ».

 

Je le concède volontiers, un tel comité aurait pu relever, toujours dans cette logique de rationalisation, de mesures d’organisation interne ; c’est pourquoi, dans le silence du projet de loi que nous examinons, il me semble impérieux de formuler une recommandation en ce sens, avec la plus grande insistance.

 

Madame la rapporteure, chère collègue, permettez que je m’associe à l’expression de vos regrets pour déplorer à mon tour que le Gouvernement n’ait pas concédé aux outre-mer leur juste place dans l’architecture du nouvel établissement, eu égard à la richesse, à l’ampleur et à la complexité de la biodiversité ultramarine.

 

Le rappel de quelques chiffres me semble opportun, même si nous finissons tous par les connaître : 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, qui placent la France au deuxième rang des puissances maritimes – c’est à l’outre-mer que la France le doit, est-il besoin de le rappeler ? –, 55 000 kilomètres carrés de récifs et de lagons – la barrière récifale néocalédonienne est la deuxième au monde et celle de Mayotte est un exemple unique de double barrière –, et 8 millions d’hectares de forêt guyanaise, une des dernières forêts primaires au monde.

 

Ces chiffres ne constituent pourtant qu’une énumération brève, bien qu’emblématique, de l’extrême richesse patrimoniale française située outre-mer, où il est traditionnel de considérer que se trouve plus de 80 % de la biodiversité nationale.

 

Cette immense richesse est aussi source de complexité et d’opportunités, tout en étant d’une grande vulnérabilité, ne l’oublions jamais.

 

Elle est source de complexité en raison du foisonnement tant de la faune que de la flore, avec un endémisme exceptionnel. La délégation aux outre-mer, que j’ai l’honneur de présider, est très attentive à ces deux aspects, qui font l’objet d’une association avec l’Agence française pour la biodiversité, sous la forme d’un cycle triennal de colloques, avec une déclinaison par grand bassin océanique, contribuant ainsi à accroître la vigilance et à assurer la visibilité du patrimoine écologique ultramarin.

 

À ce titre, nous sommes les témoins, et les associés privilégiés, de l’immense travail accompli, du dynamisme et de l’implication de l’AFB pour la préservation et la valorisation de la biodiversité ultramarine. Comme le soulignait Christophe Aubel, directeur de cette agence, « “Préservation” rime avec “valorisation” et “biodiversité” avec “développement soutenable” », ce qui fait des outre-mer des terres d’innovation et d’expériences, donnant l’impulsion à une dynamique particulière en matière écologique, et un objet d’étude très dense, comme en témoignent les actes du premier colloque organisé.

 

En outre, si la délégation aux outre-mer saisit chaque occasion de rappeler la place de sentinelle des outre-mer, elle n’oublie pas que ces territoires sont aussi les premières victimes du dérèglement climatique, conférant ainsi à la France une responsabilité particulière. Je sais que ces éléments constituent pour vous, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un rappel, mais ils me semblent toutefois étayer utilement, s’il en était besoin, mon propos. Celui-ci vise, vous l’aurez compris, à démontrer l’absolue nécessité d’une structure gardienne de la politique de préservation et de valorisation de la biodiversité ultramarine au sein du futur Office français de la biodiversité.

 

J’espère pouvoir obtenir vos assurances et votre extrême vigilance sur ce point, madame la secrétaire d’État, au moment de la déclinaison concrète du texte que nous examinons. Un des objets de ce dernier est d’ailleurs de conforter la place des chasseurs dans la biodiversité.

 

L’exemple de la chasse en Guyane, qui sera probablement évoqué dans nos débats, est une nouvelle illustration de la complexité ultramarine que j’évoquais. Cette pratique doit être appréhendée de manière à trouver l’équilibre entre l’encadrement et la préservation d’une activité de subsistance aux règles ancestrales. Dans cette optique, la réforme de la chasse guyanaise devra être conduite en concertation étroite avec les chasseurs, en gardant en mémoire qu’elle revêt une dimension de protection patrimoniale et de préservation de pratiques de subsistance pour les populations amérindiennes.

 

J’en terminerai par quelques mots sur le renforcement des pouvoirs des inspecteurs de l’environnement ; la collectivité de Saint-Barthélemy, compétente en matière d’environnement, sera certainement amenée à solliciter une extension, adaptée à ses particularités, de certaines dispositions du texte. 

 

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu’au banc des commissions.)