Près d’un an après le passage de l’ouragan Irma aux Antilles, un rapport d’information du Sénat fait le point sur la prévention et la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires ultramarins. Un signal d’alerte avant la prochaine tempête.
Irma n’a pas totalement arrêté de faire parler d’elle en métropole. «L’an dernier, nous avons connu trois phénomènes majeurs en trois semaines, Irma, puis les ouragans José et Maria, ce qui nous a poussés à réaliser ce rapport d’information, voulu comme un rapport d’analyse de la situation plutôt qu’un rapport d’enquête», explique le rapporteur Guillaume Arnell (Saint-Martin, RDSE), le 23 juillet, lors d’une présentation à la presse.
Une dizaine de risques majeurs
Focalisé sur la prévention et la gestion de l’alerte et de l’urgence, ce premier volet de 212 pages recense l’ensemble des risques auxquels sont exposés les 11 territoires ultramarins. Il montre leur vulnérabilité et leurs réponses différentes aux séismes, risques volcaniques, tempêtes et cyclones, submersions marines et tsunamis, feux de forêt, érosion du trait de côte, maladies vectorielles et invasions d’algues sargasses.
Défaut de moyens humains et financiers
Apparu en 2011 aux Antilles et en Guyane, ce dernier phénomène risque d’atteindre un niveau record cette année. Le ministère de la transition a annoncé en juin un plan d’action doté de 10 millions d’euros. «Un financement tout à fait négligeable par rapport à la situation», résume Michel Magras, président de la délégation sénatoriale aux Outre-mer (sénateur LR de Saint-Barthélemy). Les invasions de sargasses symbolisent à elles seules la situation en Outre-mer: un risque croissant confronté à un défaut de moyens humains et financiers. Les sénateurs préconisent d’ailleurs qu’elles soient reconnues comme des catastrophes naturelles.
Revoir le fonds Barnier
Les ressources affectées à la gestion des risques occupent une place prépondérante dans les 60 recommandations élaborées par les rapporteurs. Leur synthèse préconise notamment la disparition du plafond du fonds Barnier, fixé à 137 M€ par an par la loi de finances 2018, alors qu’il représentait jusque-là 200 M€ de ressources.
Depuis 1995, si les territoires ultramarins ont perçu 1,6 Md€ à ce titre, la répartition de l’enveloppe s’est avérée très inégale. 80% des aides ont été destinées aux Antilles, dont 53% au titre du seul plan Séisme Antilles. «Il est souvent difficile pour les collectivités de mobiliser le fonds Barnier, notamment pour des raisons d’ingénierie. C’est pourquoi nous recommandons de faire appel aux compétences de l’Agence française de développement (AFD) pour un soutien au montage et à la gestion des projets», détaille un autre rapporteur, le sénateur Mathieu Darnaud (Ardèche, LR).
Autres propositions: la mise en place d’une enveloppe spécifique pour l’Outre-mer au sein du fonds Barnier, avec des conditions d’éligibilité assouplies, son possible accès aux associations agréées de sécurité civile pour mener des opérations de sensibilisation, et la création d’un fonds ad hoc, équivalent au Fonds vert[1], pour les collectivités du Pacifique.
Recherche plan de prévention
L’accélération des plans de prévention des risques naturels (PPRN) représente aussi un enjeu majeur en Outre-mer. Les rapporteurs ciblent en particulier Mayotte et la Polynésie française, visées par le plus grand nombre de prescriptions: respectivement 10 et 46. Aujourd’hui, les Mahorais n’en ont aucun, les Polynésiens seulement deux.
«Ces plans de prévention sont souvent mal perçus par les populations car tout le territoire se trouve de fait en zone à risque. On doit donc trouver des solutions pour les constructions, comme interdire les habitations au rez-de-chaussée», estime Guillaume Arnell. Pour le reste, on compte 34 PPRN en Martinique, 32 en Guadeloupe, 24 à La Réunion, 9 en Guyane, et un à Saint-Martin. Saint-Barthélemy révise actuellement le sien, suite au passage d’Irma. «Il ne suffit pas d’élaborer un PPRN. Encore faut-il qu’il soit actualisé et qu’il prenne en compte tous les risques naturels pesant sur le territoire», conclut Victoire Jasmin (Guadeloupe, socialiste), également rapporteure.
[1] C’est-à-dire basé sur des financements internationaux