Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (texte de la commission n° 372, rapport n° 371).

La parole est à M. Michel Magras.

 

M. Michel Magras. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions adoptées en commission mixte paritaire sur un texte qui nous a finalement rassemblés autour d’objectifs unanimement partagés : l’égal développement de nos outre-mer par rapport à l’Hexagone, mais aussi le fait de progresser dans l’absolu, en valorisant nos atouts spécifiques.

Personne ne peut se satisfaire de la situation actuelle, avec un taux de chômage record, qui est le principal facteur explicatif de l’ensemble des indicateurs ultramarins de pauvreté. Les retards constatés démontrent l’évidente nécessité de politiques publiques spécifiques.

 

Je veux évoquer brièvement les principes ayant présidé à l’ élaboration de ce projet de loi.

Dans la phase initiale, le Gouvernement avait choisi de le placer sous le signe de l’égalité. Si celle-ci est, bien entendu, l’un des socles de l’histoire de notre République, je manque rarement l’occasion de rappeler mon attachement à la notion de différenciation territoriale, qui est aussi un chemin pour atteindre l’égalité. Juridiquement, différenciation et égalité sont presque synonymes, puisque les plus hautes juridictions affirment avec constance la nécessité de traiter de manière différente des situations différentes. Cette exigence implique la mise en oeuvre de politiques spécifiques dès le départ, puis des mesures d’adaptation progressives, avec des délais de réaction les plus courts possible. C’est l’un des enjeux majeurs du présent projet de loi.

 

Je le dis tout net : selon moi, les processus d’adaptation sont plus efficaces quand on transfère du pouvoir de décision localement. Nous en faisons l’expérience quotidiennement sur mon île. C’est pourquoi, sur la méthode, je marque une préférence pour l’adéquation par la différenciation plutôt que pour l’égalisation par l’adaptation. Compte tenu du caractère historique affiché du texte, j’espère que vous me pardonnerez cette petite parenthèse « philosophique ». (Sourires.)

L’unanimité qui s’est exprimée en commission mixte paritaire est la preuve de l’esprit constructif qui a pris le dessus dans nos travaux. Madame la ministre, j’espère que vous garderez ainsi un souvenir très positif de votre dialogue avec le Sénat. Je vous remercie très sincèrement de la disponibilité dont vous avez fait preuve tout au long de nos débats.

Je ne reviendrai pas sur les propos de M. le rapporteur, Mathieu Darnaud, dont je salue l’implication personnelle et le travail efficace de coordination entre les six commissions saisies au Sénat.

 

Notre Haute Assemblée a montré qu’elle était pleinement dans son rôle de représentant des collectivités, en étant très attentive à chacun des territoires concernés.

Par ailleurs, je remercie mes collègues rapporteurs pour avis de nos échanges très francs, qui ont permis de dissiper nos quelques divergences. L’essentiel est que chacun ait eu à coeur de faire aboutir ce qui lui semblait être la meilleure solution pour répondre aux problèmes posés.

En outre, je ne puis que me réjouir de retrouver, dans le texte définitif, certaines des préconisations formulées par notre délégation sénatoriale à l’outre-mer, traduites en mesures législatives. C’est notamment le cas des dispositions du chapitre X bis relatives au foncier à Mayotte et en Guyane.

 

J’en profite pour souligner la pertinence du travail des rapporteurs de la délégation et leur réitérer mes félicitations. Le débat sur le présent projet de loi n’a permis d’ illustrer qu’une petite partie du gisement passé et à venir que constituent les travaux de cette instance.

 

Par ailleurs, c’est dans une optique très constructive que j’ai examiné, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, les articles qui nous ont été confiés par la commission des lois. Je ne les reprendrai pas, les principaux ayant été évoqués par les orateurs m’ ayant précédé à cette tribune. J’en mentionnerai seulement un.

 

Sur ma suggestion, nos collègues de la commission des affaires économiques ont tenu à faire preuve d’audace en soutenant l’article 19, introduit par les députés pour créer un Small Business Act ultramarin à titre expérimental. Nous avons assorti ce dispositif d’ un second pilier, prévoyant de manière permanente un plan de sous-traitance pour garantir la participation des PME locales aux marchés de plus de 500 000 euros remportés par les grandes entreprises. C’est là une innovation particulièrement appropriée au tissu économique ultramarin. À terme, cette disposition permettra de faire émerger de nouveaux opérateurs et de faire progresser la concurrence.

 

Certes, nous avons bien conscience que le juge constitutionnel est attentif au respect du principe de libre accès à la commande publique. Mais nous proposons une expérimentation limitée à cinq ans et les outre-mer bénéficient, en droit européen et en droit français, de larges possibilités d’adaptation. Plus fondamentalement, il est impératif de favoriser l’émergence de nouveaux candidats susceptibles, au final, de fortifier la libre concurrence.

 

De ce point de vue, il nous semblerait dommage que le législateur s’autocensure en se pliant par avance à une conception trop statique du principe de libre accès à la commande publique. J’irai même un peu plus loin : je ne serai pas surpris qu’un jour ce dispositif soit étendu à l’Hexagone, plaçant l’outre-mer une fois de plus à l’avant-garde législative. Je saisis l’occasion pour rappeler que nos outre-mer sont des laboratoires dont pourrait s’inspirer la République, y compris en matière institutionnelle.

 

Quelle que soit l’issue des élections à venir, je plaide pour que soit inscrit un rendez-vous législatif annuel sur nos outre-mer, afin notamment de réduire les délais d’adaptation que j’ai évoqués tout à l’heure, ainsi que le nombre d’ordonnances d’adaptation.

 

Madame la ministre, comme je l’ai indiqué à votre prédécesseur, je considère que ce texte est une première étape.

 

Pour conclure, je suis profondément convaincu que le travail du Sénat aura permis d’aboutir à un texte équilibré et respectant les principes d’intelligibilité et de lisibilité de la loi. Cet apport a conduit nos collègues députés à approuver la quasi-totalité des dispositions que nous avions introduites. Je remercie d’ailleurs les fonctionnaires du Sénat de leur constante disponibilité et de la qualité de leur travail.

 

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l’ UDI-UC et du groupe socialiste et républicain.)

loi sur l’égalité réelle outre-mer (EROM)

Publication de la loi n°2017-256 du 28/02/2017
Journal officiel du 01/03/2017

Les apports de la CMP sur le texte de loi

Communiqué de presse 06/02/2017

texte de la commission mixte paritaire

adopté  le 14/01/2017
enregistré le 07/02/2017
Assemblée nationale n°4448 rectifié
Sénat n°372 rectifié

Un Small Business Act ultramarin

Communiqué du 24/01/2017

La droite sénatoriale consolide le texte

Communiqué de presse 13/01/2017

Examen du rapport et du texte de la commission

Intervention en commission des lois du 11/01/2017

Examen du rapport pour avis

Intervention en commission des affaires économiques du 10/11/2017