INTERVENTION EN séance DU 25/11/2013

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, sur l’ article.

 

M. Michel Magras. M’exprimer sur la défiscalisation en outre-mer ne consiste pas à souhaiter pour ailleurs des mesures auxquelles je m’oppose à Saint-Barthélemy. C’est parce que je connais la situation des départements d’outre-mer que je peux davantage exprimer une solidarité. C’est en cela que je soutiendrai par mon propos la démarche de mes collègues. 

 

La défiscalisation reste un outil permettant en outre-mer de compenser la difficulté d’accès au crédit, qui pénalise l’investissement dans ces territoires. Ce qui est à remettre en cause, c’est non pas tant le principe de la défiscalisation, mais ses modalités, comme je l’avais proposé dans mon rapport sur le tourisme en Guadeloupe et Martinique.

 

Ainsi, je considère que, faute d’une réforme en profondeur, toute correction du dispositif permettant de correspondre réellement aux situations et aux besoins locaux doit être regardée comme pertinente.

 

Il en est ainsi, dans le cadre du présent projet de loi de finances, des amendements visant à clarifier et à simplifier le périmètre des entreprises éligibles au nouveau crédit d’impôt bénéficiant aux entreprises réalisant des investissements productifs dans les départements d’outre-mer. On ne peut donc que se féliciter de la proposition de substitution du périmètre du groupe, en l’entendant au sens de l’ article 223 A, et non de l’article 39. Cette délimitation devra permettre de limiter l’effet d’aubaine, qui est, à mon sens, une cause de l’inefficience de la défiscalisation sur le développement économique à long terme.

 

Je relève également avec satisfaction l’amendement de mes collègues visant à permettre aux sociétés organisées en société par actions simplifiées, ou SAS, et sociétés à responsabilité limitée, ou SARL, de réaliser des investissements sans passer par une société en nom collectif, ou SNC. Ces dernières me semblent par trop guidées par l’opportunité de l’exonération fiscale et leur caractère impersonnel dispense l’investisseur de toute implication dans son investissement. C’est un aspect que j’ avais également eu l’occasion de déplorer.

 

De même, l’ajustement des taux de rétrocession me semble répondre à la finalité de la défiscalisation, à la condition qu’il y ait augmentation effective de la part rétrocédée à l’exploitant. Avec ces relèvements, on se place ainsi du point de vue de l’exploitant, en créant les conditions de l’augmentation de l’apport, donc de la diminution du coût de l’investissement pour l’exploitant.

 

Toutefois, je dois l’admettre, cela n’est pas assuré du fait, d’une part, de la complexité des opérations de portage, et, d’autre part, des frais de gestion des investissements.

 

Par ailleurs, aucun d’entre nous n’ignore l’acuité avec laquelle se pose la question du logement dans les départements d’outre-mer. C’est pourquoi, dans un contexte de contrainte budgétaire, et eu égard au niveau des besoins dans ce domaine, l’ouverture du logement social à la défiscalisation a constitué un compromis : faire appel aux capitaux privés sans pour autant supprimer le financement de l’État via la ligne budgétaire unique, la LBU. On ne peut que se réjouir que ce dispositif n’ait pas été remis en cause.

 

Parallèlement, on peut également comprendre la volonté du Gouvernement de disposer de manière assumée d’une vision d’ensemble de la production de logements sociaux outre-mer. Il se place ainsi dans le cadre de son rôle de coordinateur de la dépense publique.

 

Néanmoins, au regard de la sanctuarisation de la LBU, au contraire de la dépense fiscale, fixer un seuil minimal revient ni plus ni moins à fixer une programmation, voire une planification de la construction du logement social, quand bien même l’essentiel de l’apport en capital est réalisé par des opérateurs privés.

En effet, une fois les crédits de la LBU épuisés, les opérations ne pourront plus satisfaire à l’obligation de part minimale de financement public. Cela revient pour l’État à planifier de fait, voire à limiter d’une certaine manière le volume global de la construction.

 

Je crois donc que, pour éviter de brider le secteur alors que, il faut le rappeler, la demande est si importante, la quotité minimale de LBU doit être réduite, comme le proposent à juste titre mes collègues.

 

En outre, lors de l’examen du projet de loi pour le développement économique des outre-mer, devenu loi LODEOM, notre collègue Jean Arthuis avait fort opportunément introduit au code général des impôts l’ article 199 undecies F, qui permet aux collectivités de l’article 74 de déterminer les secteurs éligibles à la défiscalisation sur leur territoire.

 

Dans l’idéal, j’ avais prôné que cette possibilité soit complétée de l’agrément au premier euro et d’un avis conforme des assemblées locales, afin que les investissements s’inscrivent en cohérence avec les choix de développement arbitrés localement.

 

Naturellement, la défiscalisation reste une dépense fiscale de l’État, dont une collectivité locale ne saurait décider. Je ne peux donc que soutenir une plus grande décentralisation de l’attribution des agréments, d’autant que cette mesure constitue une proposition du groupe de travail sur l’impact économique de la défiscalisation en outre-mer. Cette proposition est donc non seulement consensuelle, mais également de nature à atténuer le caractère trop souvent opportuniste de la défiscalisation au profit d’un développement économique cohérent.

 

J’en terminerai enfin par un point de vue général sur la déconnexion du plafond global des investissements outre-mer pour la prise en compte de la réduction d’impôts, qui me semble également aller dans le sens de la compensation des difficultés d’accès au crédit déjà évoquées.

 

Pour ces raisons, les amendements portés par mon collègue Éric Doligé et par nos collègues de la majorité s’inscrivent à mes yeux dans un esprit de consensus et de cohérence. C’est aussi pour le souligner que j’ai choisi d’ intervenir sur l’article. Il va donc sans dire que je soutiendrai ces propositions.